Un article de ACTU.FR du 1er janvier 2023
DE NOUVELLES PIÈCES DÉBARQUENT DANS NOTRE PORTE-MONNAIE AVEC L’ADOPTION DE L’EURO PAR LA CROATIE
La Croatie, membre de l’Union européenne depuis 2013, abandonne la kuna pour l’euro ce 1er janvier 2023. À quoi ressemblent ces nouvelles pièces ?
Par Briac Trebert Publié le 1er janvier 2023 à 8h25 dans « ACTU.FR »
La Croatie a fait son entrée dans la zone euro ce dimanche 1er janvier 2023. Elle abandonne donc au passage la kuna, sa monnaie nationale, et devient ainsi, ce dimanche, le 20ème membre à adopter l’euro comme monnaie nationale (après la Lituanie en 2015).
Les numismates sont à l’affut. La frappe des pièces avait débuté en juillet et les Croates pouvaient déjà se les procurer. Sur celles-ci, vous y verrez une carte du pays, une martre dont la fourrure servait de monnaie d’échange au Moyen Âge ou encore l’effigie du célèbre inventeur, Nikola Tesla, le père du courant alternatif.
Un concours lancé par le gouvernement
Les effigies ont été choisies par la population suite à un concours lancé par le gouvernement, explique la banque croate :
Sur les pièces rouges de 1, 2 et 5 centimes, vous trouverez un symbole de l’alphabet glagolitique, plus vieil alphabet slave.
Sur les pièces de 10, 20 et 50 centimes, vous trouverez le portrait de Nikola Tesla.
La pièce de 1 euro est ornée par une martre. Le mot kuna signifie martre en croate.
Sur la pièce de 2 euros, la carte de la Croatie.
Le Conseil de l’Union européenne a adopté un taux de conversion fixe entre l’euro et la kuna pour 2023 à 7,53450 kuna pour 1 euro.
Ce pays de 4 millions d’habitants des Balkans accède ainsi à la monnaie unique près de neuf ans après son entrée dans l’Union européenne. « La Croatie effectue plus des deux-tiers de son commerce extérieur avec l’Union européenne. Depuis qu’elle a adhéré à l’UE, cette part s’est accrue tant en exportations qu’en importations », relève la Banque de France.
La Croatie fait son entrée dans l’espace Schengen ce dimanche
Deuxième république d’ex-Yougoslavie à devenir membre de l’Union européenne en 2013, après la Slovénie, la Croatie fait donc officiellement son entrée dans l’espace Schengen ce 1er janvier 2023. La Croatie est devenue le 27e membre de cette vaste zone au sein de laquelle plus de 400 millions de personnes peuvent voyager librement, sans contrôle aux frontières intérieures.
Pour rappel, l’accord de Schengen a été signé à Schengen (Luxembourg) le 14 juin 1985 par la France, la République fédérale d’Allemagne (RFA), la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. L’espace Schengen regroupe à ce jour 26 pays (22 des 27 pays de l’UE ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse). L’appartenance à cet espace induit que les pays membres remplissent certaines conditions, dont assumer la responsabilité de contrôler les frontières extérieures de l’UE.
Deux autres pays, la Bulgarie et la Roumanie, sont toujours en attente d’intégrer les accords Schengen.
Un petit film qui montre les différentes pièces et leur fabrication. Le film est en croate et dure 2 mn 48.
Un article de Libération du 1er janvier 2023
LA CROATIE PASSE À L’EURO, ENTRE PEUR DE L’INFLATION ET NOSTALGIE DE LA KUNA
Au 1er janvier, le pays passe à l’euro et intègre l’espace Schengen. Une arrivée de la monnaie unique préparée depuis de longs mois qui devrait faciliter les échanges, mais inquiète tout de même une partie des habitants.
Par Eva Movsan
publié dans Libération le 1er janvier 2023 à 2h33
Les pièces s’écoulent dans des bacs au milieu de la fabrique, dans un cliquetis continu. Ces euros tous neufs et brillants sortent de grosses machines où ils viennent d’être frappés. C’est ici, à Sveta Nedelja, une ville à 20 kilomètres de Zagreb, que sont produites les nouvelles pièces qui seront en circulation en Croatie à partir du 1er janvier. Le pays s’apprête à abandonner sa devise nationale, la kuna, pour passer à l’euro. C’est le vingtième Etat membre à adopter la monnaie commune. La Croatie intègre également l’espace Schengen au 1er janvier, complétant toutes les étapes d’intégration à l’Union européenne, dix ans après son entrée en 2013.
Au vu de la taille très modeste de l’unité de production, il est difficile de croire que l’intégralité des nouvelles pièces croates est frappée ici. La Monnaie croate, qui abrite la fabrique, a lancé la production mi-juillet. Depuis, le personnel fait les trois huit. «On travaille sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre», insiste Goran Paladin, le directeur de production, en faisant glisser entre ses doigts quelques pièces rouges de cinq centimes expulsées à toute allure d’un tapis roulant.
«Attention où vous marchez !» prévient-il. Pour intensifier la production, le petit hangar a été bourré de nouvelles machines vertes et beiges, bardées d’électronique. Il reste à peine la place pour se faufiler. La fabrique est également dotée d’un laboratoire qui vérifie la qualité des sous, la taille, le poids, le tout au millième près. La Monnaie croate a ainsi pu battre 420 millions de pièces en moins de six mois, contre 150 millions par an en moyenne les années précédentes. Ce fut un vrai défi, reconnaît Goran Paladin, qui assure que «tout se passe bien». «Nous respectons nos délais.»
«A long terme, ce sera bénéfique»
Comme chaque pays de l’UE qui passe à l’euro, la Croatie apporte sa touche à la monnaie commune. Ainsi, la «face nationale», c’est-à-dire le verso des pièces, arborera quatre nouveaux designs. Au terme d’une consultation publique, il a été décidé que les pièces de 2 euros porteront une carte de la Croatie, celles de 1 euro une martre («kuna» en croate), celles de 50, 20 et 10 centimes le portrait du scientifique Nikola Tesla, et celles de 5, 2, 1 centime des lettres d’un alphabet antique, le glagolitique.
Les dernières ont été dessinées par Maja Skripelj. Au terme d’un concours ouvert à tous, c’est sa version des lettres glagolitiques qui a été choisie. La graphiste de 44 ans est fière d’avoir remporté le concours et voit l’arrivée de l’euro comme une bonne chose. «La période de transition va être un peu compliquée mais, à long terme, ce sera bénéfique. On a déjà l’habitude d’exprimer certains prix en euros, comme le loyer des appartements ou le coût d’une voiture. En plus, cela va faciliter les voyages», déroule-t-elle.
A moins de quinze jours de l’introduction de l’euro, la graphiste ne s’était pas encore procuré les nouvelles pièces, comme la plupart des gens rencontrés dans les rues de Zagreb. Maja Skripelj assure avoir encore le temps : du 1er au 14 janvier, il sera toujours possible de payer en kunas, mais les commerçants auront obligation de rendre la monnaie en euros.
Ivan Domagoj Racic, lui, a acheté un sachet de pièces d’une valeur de 100 kunas (13,27 euros) dès le jour de leur mise en vente, le 1er décembre. L’étudiant de 23 ans tenait absolument à voir en vrai les pièces de 50, 20 et 10 centimes dont il a dessiné la face avec le portrait de l’inventeur Nikola Tesla. Le choix de ce symbole a provoqué une énième querelle avec la Serbie voisine, qui dispute l’héritage du scientifique et qui l’a également représenté sur ses billets. Une polémique inutile, pour Ivan Domagoj Racic : «C’est un homme du monde, né dans les frontières de l’actuelle Croatie de parents serbes. On partage tous son héritage, il pourrait être au contraire un symbole rassembleur.»
«J’ai l’impression de perdre une partie de mon identité»
A Zagreb, les commerçants sont plus ou moins préparés au changement de monnaie. Dans son fast-food, Kristina avoue qu’elle n’a pas encore acheté les sachets d’euros. Quelques rues plus loin, la propriétaire d’une parfumerie chic est, elle, tout à fait prête. Elle a hâte, même. «C’est une très bonne chose pour le magasin puisqu’on importe tous nos produits en euros, on n’aura plus de taux de change», explique la quinquagénaire.
Depuis le mois de septembre, les étiquettes de prix s’affichent dans les deux devises. Objectif : habituer le consommateur. Mais, explique Dunja, une Zagréboise de 27 ans : «Je n’ai pas fait attention au prix en euros. Seule la valeur en kuna représente quelque chose dans mon esprit.» Sur le marché de Noël, les passants sont divisés. «C’est une bonne chose pour le tourisme, mais je pense que ça intervient trop tôt, la Croatie n’est pas encore prête», résume Rea, 19 ans.
Beaucoup sont déjà un peu nostalgiques de la kuna, qui avait été introduite pendant la guerre d’indépendance de la Croatie, en 1993. «La pièce de 5, avec un ours au verso, va me manquer. C’était la somme que j’avais pour manger le midi au lycée, c’était le prix d’un coca ou d’une boule de glace», se rappelle Maja Skripelj. «J’ai l’impression de perdre une partie de mon identité», dit Dunja. Elle redoute également que les commerçants en profitent pour gonfler les prix, et que l’inflation, de 13,5% en novembre, augmente d’autant plus.
Augmentation des prix «assez marginale»
Le ministre des Finances croate, Marko Primorac, défend une mesure «entièrement bénéfique pour le pays et pour toute la zone euro». Il rappelle que l’économie croate est «déjà hautement euroisée», avec plus de 70% des emprunts et des dépôts réalisés en euros. Le ministre table sur la disparition des coûts de transaction, qu’il estime à 160 millions d’euros par an. «Cela aura un effet positif sur le coût de l’emprunt, qui baissera pour les particuliers et l’Etat. Cela attirera d’avantage d’investissements directs, de touristes», liste-t-il.
Quant au risque d’inflation, il explique que les autres pays qui sont passés à l’euro ont vu une augmentation des prix « assez marginale ». Il espère donc que les commerces n’en profiteront pas pour faire flamber les prix. «Nous ne pouvons pas limiter la liberté des entreprises», explique le ministre d’un gouvernement mené par l’Union démocratique croate (HDZ, droite). Interrogée sur le sujet, Kristina, la gérante de fast-food, fait une moue gênée et glisse : «Avec l’euro, les prix vont un peu augmenter. C’est plutôt bon pour nous, moins pour les consommateurs.»